Ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de post lié aux vins et particulièrement aux foires semestrielles habituelles.
La raison en est simple : les prix sont devenus tellement ridicules qu’il n’y a plus rien à acheter. Cette année, Leclerc Léognan a battu des records. Que dire des Beychevelle à 75€, des Smith-Haut-Lafitte 36€ ou 57€, des Fieuzal blancs à 33€ ? Des seconds vins de Ducru-Beaucaillou, Beychevelle, Branaire ou Las Cases qui sont maintenant plus chers que les premiers y a quelques années ?
Se rendront-ils compte un jour qu’on a compris qu’ils se foutent de notre gueule ? Faire des culbutes fois trois jusque fois 10 ou plus encore avec les premiers grands crus, ça n’est pas un symbole de la parfaite vulgarité du prétexte de la loi de l’offre et de la demande ?
Qui, en grande surface, va acheter des Branaire ou de Grand Puy Lacoste à 45€ ? Elle est ou la loi de l’offre et de la demande ? Les rayons sont immobiles depuis des mois et les bouteilles vont vieillir encore un bout de temps debout au chaud. Le monde du vin est devenu fou avec l’illusion de pouvoir vendre à un prix quasi aléatoire (je dis quasi car toujours dirigé vers le haut) des bouteilles qui ne couterons jamais plus de 15€ à produire pour les versions les plus luxueuses (comme de liquoreux difficiles à produire), et même pas 10€ pour des premiers grands crus du bordelais vendus entre 300€ et 700€ la bouteille en primeur.
Et encore, je ne parle même pas des produits de Lafite Rothschild qui ont pété les boulons depuis longtemps : si j’avais acheté des carruades de Lafite y a un an, j’aurais pu faire une culbute de 400%. Mais y a un an, ils étaient déjà quatre fois trop chers. Pire encore, des contrefaçons sont produites sans vergogne en chine, vendues au prix des vraies bouteilles à une clientèle totalement consciente d’acheter de la contrefaçon, mais dont le but est de seulement montrer qu’ils ont acheté une bouteille chère – même si elle est fausse et que tout le monde le sait. Quand je pense que ce second vin valait 60 balles fin des années 90 et se vend maintenant 200€ pour une année pourrie genre 1992…
Donc, boycott des foires au vins qui n’ont rien à proposer de sérieux et boycott de ces producteurs qui ne font que confirmer leur mépris envers des amateurs qui achètent des bouteilles pour les boire et non spéculer avec. Encore une démonstration des deux plaies qui gangrènent le monde (les croyances et l’appât du gain).
Mais il y a de l’espoir. Pendant ce temps, ce week-end, les vignerons indépendants font leur salon. Y avait longtemps que je n’y étais pas allé. Le problème ici est qu’il y a beaucoup de monde et qu’il est difficile de s’en sortir si on n’a aucune idée de ce que l’on veut. Difficile de gouter et de dire qu’on n’aime pas. Difficile de gouter des dizaines de références sans être complètement raide : le problème au salon de Bordeaux, c’est que les crachoirs sont au sol et c’est vraiment pas pratique. Les stands sont minuscules et impraticable s’il y a plus de quatre personnes. C’est un autre système et, si l’on n’a pas de chance, on peut passer des heures à ne tomber que sur des trucs sans aucun intérêt. C’est le problème ici, il y a beaucoup de choses insipides et on a quand même tendance à en acheter parce que le vendeur est persuasif.
Mais quand même, si c’est le prix à payer pour enfin pourvoir accéder à des produits qui valent le prix qu’ils coutent…
Et donc, voila ce que j’y ai trouvé et ramené à la maison :
- Un Listrac-médoc que je connaissais depuis longtemps : Chateau Cap Léon Veyrin. Le 2008 est excellent aux environ de 11-12€. Sachant qu’il valait dans les 60 francs y a 15 ans, leurs prix ont quasiment restés les mêmes avec l’inflation – chose très rare.
- Un producteur de banyuls que j’avais découvert la fois d’avant par pur hasard après avoir passé 2 heures à n’avoir rien trouvé : domaine Pietri Géraud. J’ai découvert par ce producteur l’existence du Banyuls blanc, un truc peu courant et vraiment d’enfer. Leur banyuls rouge « cuvée Joseph Géraud 2001 » est une valeur sure et parfaite pour le chocolat. Ca change du porto. Ces bouteilles sont dans les 14-15€.
- Une découverte sur une appellation que j’aime de plus en plus : le savennières. J’oublie mes déceptions à propos de la coulée de Serrant dans les 4 millésimes que j’ai gouté dont le prix n’a d’égal la totale insipidité du produit. A un petit stand où il y avait personne et qui ne paye pas de mine, j’ai pu gouter des savennières, coteaux du Layon et Quarts de chaume. Ce domaine, le domaine des Forges, propose 3 savennières différents dont un demi-sec extrêmement intéressant. Décidément, cette appellation recèle des trésors abordables. Leurs trois versions : Clos des papillons, la roche aux moines (partagée par 10 producteurs) et Moulin du Gué sont typiques, parfumées à souhait et très abordable en regard de la qualité (entre 10 et 13€). Gouté aussi leur coteau du Layon très abordable (8€ je crois) pour une qualité certaine et leur monstrueux Quarts de chaume (entre 28et 30€) : une alternative redoutable aux sauternes. Les Bonnezeaux et Quarts de Chaume sont vraiment une opportunité vu les prix qu’atteignent les liquoreux bordelais. Je n’ai pas gouté leurs grains nobles qui doivent être à l’avenant, c’était vraiment parce que ça commençait à faire trop.
- Un producteur où j’achète régulièrement des vins du jura, histoire de rentrer quelques bouteilles du genre : Jacques Tissot. A ne pas confondre avec d’autres domaines du même nom (André et Mireille par exemple qui est un domaine de référence). Ça n’est pas le meilleur producteur de la région, mais il est régulier et bon marché. Quelques vins blancs typés, un vin jaune de 2003 tout à fait classique dans le genre et une curiosité le 249Jt, un vin peu alcoolisé (9°) issus de baies passerillées à l’extrême et dont très chargé en sucre. C’est vraiment pour avoir une bouteille bizarre en cave, car c’est cher (28€). Mais j’aime bien avoir quelques trucs rigolos. Une chose totalement incongrue : quand je compare les prix actuels avec ceux que j’ai des années 90, ils sont quasi identiques à quelques francs près. On pourrait dire qu’ils ont baissé si l’on prend en considération l’inflation qui est de l’ordre de 27% depuis 1995.
Justement à propos du Jura, un passage par Château-Chalon il y a quelque mois m’a fait découvrir en vrai les vins de chez Macle. Mon dieu, ils font peu de produits, mais alors quelles merveilles ! Leur cote du Jura à 12€ est une référence. Leur Château Chalon est à se damner, tout comme leur macvin. La propriétaire que je suppose être madame Macle est une dame digne et aux apparences sévères mais qui, il me semble, est d’une intégrité et d’une rigueur absolue. Absolument courtoise et disponible, elle connait ses produits sur le bout des doigts et sait recevoir les compliments. Si il y a bien un producteur dont je ne saurais assez conseiller, c’est bien le domaine Macle. J’avais dans l’idée d’aller chez Berthet-Bondet, mais je n’ai pas trouvé le domaine à temps… Je ne pensais pas pouvoir aller chez Macle car j’avais dans l’idée que c’était un domaine très difficile à aborder pour du grand public (mais c’est totalement le contraire). Mais quand j’aurai l’occasion, j’irai aussi faire un tour chez B-B qui doit lui aussi faire des produits d’enfer. Un autre aspect que je n’ai jamais rencontré à ce point chez un producteur, c’est le grand soin apporté aux dégustations et la grande attention au détail. Une salle sombre un peu solennelle, très tranquille avec une table préparée pour l’occasion accueille le visiteur qui est la pour déguster dans les meilleures conditions possibles (conté inclus). Vraiment excellent.
Petit clin d’œil aussi à la chambres d’hôte de Françoise et Guy Bailly dans le petit patelin de Brery durant mon passage dans le jura. Ce sont des gens très actifs pour le retour à une qualité de produits, une production locale, le BIO… Elle, maire du patelin, a toujours quelques histoires bien gratinées à raconter et lui, apiculteur (entre-autres) un militant dans le sens noble du terme. Des gens bien. Leurs chambres sont super, pas chères, tranquilles à l’extrême avec vue sur Château Chalon en haut de son gros caillou. Le Jura, c’est quand même une sacré région. Coté vinicole, si l’on prend au pif une bouteille, on est quasiment sur d’avoir quelque chose qui a un minimum de saveur et qui est reconnaissable. On est bien loin du Bordelais, ou pire, de la bourgogne, ou mes déceptions sont dorénavant quasi systématiques (en l’occurrence les derniers vins que j’ai acheté chez Coche Bizouard qui sont totalement insipides malgré les prix qui ont doublé en une dizaine d’années : les meursault 2007 n’ont strictement aucun intérêt).
Finalement, les appellations moins « prestigieuses » vont profiter des délires des autres (bordeaux, bourgogne, champagne). Ils ont encore des produits au bon prix, font des gros efforts qualitatifs et finalement vont forcer l’amateur à aller découvrir des joyaux oubliés ou ignorés. Peut-être que c’est bien mieux ainsi.
Que les crus classés aillent crever, leurs domaines confis de pognon.
Jipi.