Le post Sakuma a lancé une longue série sur Delphi qui a vite dévié sur le thème habituel corrélation mesures/écoute avec toujours les mêmes conséquences : études rhétoriques des discours, constructions intellectuelles pseudo philosophiques et finalement pas grand chose sur le fond. Je pense surtout que la grande partie des intervenants n’ont qu’une idée très réduite de l’état de l’art actuel dans ces domaines et sous-estiment énormément les connaissances acquises depuis toutes ces années : l’audiophile, c’était y a 30 ans !
Mais aujourd’hui, ça n’est pas le sujet spécialement.
Au moment du deuxième post sur Sakuma est arrivé un document sur son-qc, puis sur Delphi sur le son des câbles. Est-ce un hasard ou une réponse à un exemple que j’avais donné (aucune étude sérieuse n’avait pu montrer quoi que ce soit), je ne sais pas. D’ailleurs, il semble qu’il n’ait pas encore suscité beaucoup de réactions. Néanmoins, il était intéressant de jeter un oeil à ce texte qui semble plutôt être enclin à prouver le contraire (il se passe quelque chose qui semble sortir de ce que l’on connaitrait).
Tout d’abord, quand je dis que l’on n’a rien montré jusque ici, il faut bien entendu comprendre « rien qui ne soit explicable par les lois établies de l’électronique ». Il faudrait être stupide pour affirmer qu’un câble avec 1 Ohm de résistance en continu n’aura aucun impact sur un caisson de grave en 4Ohms. Evidement… Actuellement, à ma connaissance, tous les textes sérieux n’ont rien pu montrer d’autre que les effets connus de la résistance linéique, et à moindre échelle, la capacitance et le self linéique. Ajoutons à cela, le fantasme de l’effet de peau ultra surestimé et on a fait le tour. C’est probablement pour cela qu le nombre de publications sur le sujet soit si faible car, finalement, il n’y a rien de spécial à découvrir, au grand dam des audiophiles avides des dernières nouveautés dans le domaine, vous savez, ces câbles avec l’incontournable gaine thermo autour de ces incontournables cinchs (modèle que j’utilise d’ailleurs car valant une misère chez les fournisseurs en gros).
Alors, voyons voir ce document…
En fait, il a été tiré d’un site Web qui propose 5 chapitres sur le sujet, dont un seul n’a d’intérêt (le 5ème). Les 4 premiers ne sont que des introductions et définitions qui n’apportent rien au résultat en soi (surtout que l’on a l’impression qu’il y a un fort remplissage de texte vide à certains moments). Le dernier chapitre propose des liens sur les précédents pour ceux que cela intéresse.
Donc, ce 5ème chapitre, explorant « des caractéristiques prouvables des câbles », nous propose avec mesures à l’appui des résultats pour le moins étonnants, voire incroyables. Des différences considérables entre ce qui rentre dans le câble et ce qui en sort, différences nulles quand la charge est résistive. J’avoue qu’une première lecture rapide m’a sérieusement mis le doute, car voyant en plus le CV des auteurs, la, il se passe quelque chose…
Mais, attendez, regardons de plus près…
Commençons par simplement analyser les ordres de grandeurs de ce qui est mesuré au début. Car si les effets sont bien visibles sur les spectres présentés, si c’est une fenêtre placée à -150 dB, finalement, ça n’a pas vraiment d’impact… Ou si les câbles sont très longs et fins, ou si ils ont été mesurés sur bobine ou déroulés, enfin bref, toutes les conditions de mesure.
Et bien, ne cherchez pas, il n’y a aucune information à ce sujet. On ne sait rien des câbles, on ne sait rien des échelles (que veut dire 100 dB SPL sur une charge de 8 ohms ?), on ne sait rien des amplis, on ne sait rien sur les charges. La seule donnée est que les câbles font 6 mètres. En gros, ces mesures ne permettent de RIEN déduire. Quel est le niveau des fondamentaux envoyés ? Qu’est ce que c’est que ces échelles en dB ? J’avoue que ça commence mal, pour un texte issu de sommités dans le domaine. Petite question subsidiaire : Qu’est ce que l’on a à faire que la distorsion augmente beaucoup quand on charge avec le subwoofer quand cette distorsion arrive hors de la plage d’utilisation (il n’y a aucune différence dans le bas du spectre) ?
Passons dans la page 2 et ses fameux oscillogrammes.
Tout d’abord, quel est l’intérêt de tester du RG59 pour des haut-parleurs et tester des longueurs de 50 m ? Pourquoi mettre en évidence des phénomènes (normaux) dans des conditions pratiques jamais rencontrées ? Quel est le câble parallèle utilisé ?
On ajoute à ceci des tests sur différents amplis (Lesquels ? Quelles caractéristiques ?) dans des conditions inconnues (à part qu’il y a 28 m de câble de 4mm², des condition rencontrées tous les jours assurément).
Tout ce que je vois ici, c’est qu’ils captent une porteuse quelconque et qu’il mettent en évidence l’immunité au bruit de tel ou tel câble. Rien de bien nouveau, surtout pour ceux qui captent une radio à proximité dans leurs enceintes ! On apprend par exemple que des HP à haut rendement posent plus de problème car le signal envoyé est forcement plus faible et donc le bruit devient plus prépondérant (voila qui est nouveau !). Les résultats sont différents entre amplis, ce qui est à peu près évident, mais lorsque je vois qu’une porteuse captée a un ordre de grandeur équivalent au signal lui-même, il y a un problème quelque part. Ça n’est certainement pas une condition correcte de travail et dans ce cas de figure particulier, on agis en conséquence (blindages, liaisons courte, sources de HF…). On n’est certainement pas dans un contexte de « son des câbles », mais d’immunité au bruit dans un cas extrême. Conclusion, cette partie ne contient rien de pertinent, car hormis le fait de parler d’autre chose, il reste encore cette faiblesse incroyable des conditions de mesures, de description du matériel utilisé et des contextes de travail hors norme.
Passons au clou du spectacle, les spectres de différence entre entrée et sorte d’un câble de 2.5mm², d’un CAT5 et un 6mm² dont le cône du HP est bloqué (pourquoi, je ne sais pas, personnellement je n’utilise jamais de HP de la sorte). D’abord, pourquoi un CAT5, mystère… Je ne parle pas non plus de la non description des câbles. Ensuite, qu’est ce que l’on voit ? En gros une courbe d’impédance de HP inversée simplement due au fait que le câble agit comme un diviseur de tension… Pourquoi n’ont-ils pas publié la courbe d’impédance du HP ? Ensuite, le détail très drôle, on apprend que la mesure n’est pas fiable au delà de 2kHZ .Comment, en 2007, on n’est pas capable de faire une mesure différentielle en audio, chose que je peux faire avec ma petite carte son jusqu’au moins 48 kHz sur 24 bits avec au moins 100dB de rapport S/B? Expliquez moi aussi pourquoi l’article cité dans cette expérience s’appelle : « Câbles haut parleur pour transducteurs haute fréquence »…
Et maintenant, dernier point, pourquoi les échelles verticales sont absentes ? Tout ce qu’ils nous annoncent, c’est que c’est différent d’un câble à l’autre. Oui, mais de combien ? 0.1 dB ? 1 dB ? 10 dB ? Sans ces données, ça n’a absolument aucune valeur.
Finalement, quel bilan peut-on tirer de cet article ? Et bien, rien, niet, que dalle. Aucune mesure publiée n’apporte quelque information que ce soit, soit par manque de données pertinente, soit parce que l’expérience met en évidence autre chose. Un très mauvais article, indigne du prestige de ses auteurs.
Si vous voulez un vrai article, avec des vrais chiffres et des vraies conclusions : the audio critic n°16. Oui, c’était y a plus de 15 ans et rien n’a changé depuis… Et l’on voit que oui, les câbles ont un impact, pas toujours négligeable, mais parfaitement maitrisable et sans aucune surprise. Profitez en pour lire d’autres numéros, ça ne peut pas faire de mal.
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Jipi